Renaud P. Gaultier

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L'épure après le trop

Vue depuis le Musée des Beaux-Arts de Rennes, 6 octobre 2017.

Je suis allé visiter un musée "en région". Comme habituellement, un Musée des Beaux Arts digne de ce nom élit son domicile dans une grande bâtisse XIXème organisée autour de cours intérieures sous verrières, s'escalade à grandes volées d'escaliers minéraux et se parcourt sur parquets et sous lambris généreux.

Ici, c'est Rennes, son histoire revendiquée, sa bourgeoisie instruite, sa municipalité férue d'innovations startupées et d'animations culturelles bien pensantes et néanmoins contemporaines. Tout est fait pour effacer le complexe du provincial ou pire celui du plouc relégué aux confins de la région agricole et industrielle en souffrance. La ville est belle, rénovée, traversée de métros et de pistes cyclables. Et revendique plusieurs établissements culturels, donc. 

Julie C. Fortier, "Ascension", 2016-17, installation olfactive, 150 000 touches à parfum, 4 parfums, 1200 x 500 cm

Le Musée des Beaux-Arts est au standard. Quelques maîtres anciens, beaucoup de petits et des grands (Le Tintoret !), un peu de régional dont l'inévitable série de Pont Aven, et du moderne voire du contemporain. Du pompier au mètre carré, souvent touchant, parfois sinistre.

Et là, circulant dans ces longues galeries étroites tapissées de toiles accumulées depuis le début du XXème, j'éprouve une grande lassitude. Prises une à une, certaines ne manquent pas d'intérêt, en particulier les abstraits des années 40 à 70 : l'expressionnisme abstrait mis en vis à vis des compositions rigoureuses des abstractions géométriques procure un questionnement jamais résolu mais plaisant. Un haut le cœur me saisit. Mais peindre, pour quoi faire ? Pourquoi ce geste, ce motif plutôt qu'un autre ? L'accumulation des tartines plâtrées épuise les sens, à moins que ce ne soit la disposition sans recul. Et alors Geneviève Asse. Une salle lui est consacrée. Une respiration. Une clairière. La paix. Le propos est la lumière, sa perception, sa diffusion et le changement que cela induit en nous, autour de nous.

Le lendemain, de passage à Lamballe, je la retrouve, installée dans les vitraux de la Collégiale. La lumière, simple, qu'elle voile de couleur, son bleu calme et fort, un jaune vibrant en écho signé de Olivier Debré, qui vient doucement nimber la pierre. Un jeûne, une consolation, de la pudeur.

Geneviève Asse, Collégiale de Lamballe, Vitraux, 1995, (ateliers Duchemin).