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Renaud P. Gaultier

Peintures, Installations et Textes

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Installations-Sculptures dans une Prairie

 
 

Oui, mais après quoi ?

Cette proposition se situe à l’heure des grands bouleversements actuels, qu’ils concernent la géopolitique avec le réveil des empires, le changement climatique et ses menaces sur le vivant, ou l’accroissement des inégalités sur fond de concentration des capitaux matériels et immatériels dans les mains d’oligarques. Ces tensions ne sont pas nouvelles mais prennent des proportions inédites. Comme si, en proie à des tentations immodérées et des peurs archaïques, les sociétés humaines perdaient à nouveau le sens de la mesure, comme prises dans une mécanique infernale.

J’ai choisi d’interroger librement ce Désir machinal, et d’en chercher sinon les raisons, du moins les racines. S’il est souvent illusoire de vouloir revenir à l’origine du monde ou même des choses, j’ai usé pour cela de moyens plastiques. Ainsi, je me suis demandé d’où venait ces façons de représenter et si un regard non pas donné mais patiemment construit n’avait pas fortement contribué à constituer un projet pour et sur le monde.

J’ai ainsi redécouvert l’histoire de la perspective, finement entrelacée avec l’histoire de l’art et des instruments optiques.

J’ai pu relier la généalogie du fait de voir depuis le dessin, la peinture et l’architecture jusqu’à la profusion des images médiées par les smartphones sur des réseaux planétaires, en passant par la photographie, le film, la vidéo, l’animation 3D et le jeu.

Devant une telle complexité, pour rendre tangible les constats et les questions, il me fallait épurer sans simplifier. Face à l’existence désormais quasi autonome des représentations via une IA sans contrôle, j’ai voulu revenir à la poésie des formes concrètes.

“De Profundis Clamavi”, Renaud Gaultier 2025

Premier point de vue : Le regard est en soi une appropriation sélective. Choisir de voir demande de distinguer, d’identifier, ou de reconnaître une forme ou un mouvement pour pouvoir nommer et agir sur la réalité. De l’objet, nous transitons par l’image pour ensuite définir une conduite à tenir, énoncer une opinion, qualifier une situation : ainsi nous objectivons une situation pour fixer un objectif. L’instrumentation par l’optique et le recueil des informations pour classement devient donc un mode d’existence partagée, une culture, une vie commune. Existerait-il donc une seule manière de voir ? Les IAs opèrent par reconnaissance statistique, ressemblance vs dissemblance définissant alors le vraisemblable, mais pour autant ne savent pas encore distinguer le vrai du faux.

Deuxième point de vue : la mise en perspective associe l’espace au temps, sur une même surface et un même cadre, selon l’éloignement de la figure décrite. Mais par le rapprochement dans l’image, elle permet aux figures présentées de créer ensemble un espace mental impossible dans la réalité physique. La représentation des corps du cosmos, de l’atome jusqu’aux galaxies, repose sur des codes, des conventions. En conséquence, elle abolit l’espace et le temps pour délivrer une puissance d’évocation et de compréhension aux limites du fini : cosa mentale, disait Léonardo. Cet artifice du présent fabriqué sous nos yeux obère-t-il nos mémoires jusqu’à l’effacement ? Si rien n’est donné, alors tout est données.

Troisième point de vue : ce désir de la chose à voir (à voir = avoir ?) est le préalable de l’empire sur les choses certes, mais n’est-il pas plutôt la condition de l’empire des choses sur nous ? Qui plus est, les techniques d’investigation, de représentation, de mémorisation puis de diffusion ne sont-elles pas devenues les caractéristiques qui distinguent les sociétés entre elles ? Le regard serait donc le premier lieu de la conflictualité, l’enjeu devenant ainsi de s’y exposer ou de s’y soustraire avant de s’affronter. Ou pas.

Point aveugle : L’Intangible ou l’endroit de l’imaginaire, autrement dit l’envers de l’image… L’appareillage de la perception, qu’elle soit humaine, animale ou végétale, excède largement la vue seule. Mais, si on ne considère que l’humanité, nous pourrions objecter que la musique transpose un espace et un temps, tout comme le goût, le toucher ou l’odorat. Car il s’agit là encore de distinguer, d’identifier, ou de reconnaître une figure ou une chose. La perception de l’invisible ou de l’impalpable devient alors le lieu de tous les imaginaires, de toutes les croyances, sans certitudes sauf a priori culturel. Dans nos sociétés techniciennes, l’imaginaire est bien souvent occulté et alors resurgit par endroit, dans les interstices et les laissés communs, dans des pratiques réinventées, aussi. Bien plus que la fiction, La poésie n’aura jamais la charge de la preuve.

Quid Tum ? Et après ?

Depuis Alberti et Dante, les européens ont déployé leurs empires par le recours au « nouveau » permanent (Vita Nuova), dans une frénésie de conquêtes de l’inexploré sous toutes ses formes, du plus petit à l’incommensurable. Quand les limites physiques ne tardent plus à s’imposer à nous et que l’Intelligence se transforme en artefact numérique, quelle suite à donner à ce projet ? Doit-on le suivre, le subir ou en inventer un autre ? Faire avec comme on le peut ?

“Sentier des Pas de Côté”, Renaud Gaultier 2025.

La situation : Le Sentier des Pas de Côté

Pour exprimer la diversité des possibilités du regard « occidental » et du projet qui en découle, j’ai choisi, par contrepoint, de proposer un parcours qui sinue au milieu des herbes hautes. Pour ce faire, j’ai dessiné une figure pour drone, avec mon tracteur-faucheur.

 Les visiteurs sont ainsi invités à marcher, en contrebas d’une chapelle dédiée à Saint Roch, autrefois halte du chemin de Saint Jacques, pour s’arrêter dans une clairière, au bord d’un étang ou le long d’un talus et y découvrir des installations-sculptures de grande taille. Ils peuvent aussi observer les traces de celles et ceux qui partagent ce petit morceau de territoire.

La prairie est en effet habitée par toutes sortes d’animaux noctambules, à commencer par les chevreuils qui viennent s’ébattre la nuit, où ils croisent renards, lièvres, parfois les sangliers qui traversent pour s’abreuver à l’étang, où ils retrouvent grenouilles, canards et poules d’eau. Les chats, les chouettes et les hérons se disputent les mulots et campagnols qui pullulent sous les herbes, tandis que les chauve-souris se gavent de moustiques ; Mais aussi diurnes car le jour, papillons et oiseaux des champs égaient le paysage, où l’on entend et l’on voit entre autres les mésanges, rouges-gorges, rouges-queues, chardonnerets, pigeons, geais des chênes, grive musicienne, pies et merles en grand nombre. Parfois, la huppe fasciée donne le ton de son cri si caractéristique de l’été.

Déambuler sur le Sentier des Pas de Côté demande de choisir un chemin dont la destination n’est pas connue, d’autant que les intersections ne présentent que des courbes et des volutes à venir. Sans pour autant constituer un labyrinthe, il expose chacune et chacun à une incertitude du pas suivant. Il crée du temps au dehors, à côté des habitudes.

 Les Visées (aiming at…), descriptif

Au nombre de sept, elles présentent différentes façons de voir et d’être au monde. Construites à partir d’éléments glanés sur un chantier de rénovation d’un bâti ancien, elles se présentent comme des vestiges. Des fenêtres, des ouvrants et des dormants, ont ainsi été déconstruits puis recomposés. Des poutres ont été réutilisées, des bois tombés ont été ouvragés, des textiles déchirés.

Les européens ont beaucoup voyagé et transposé leur manière d’être au monde, pour certaines, des roues leur ont été adjointes, pour inviter au déplacement du regard, à ne pas seulement regarder devant soi, dans le même plan, mais aussi tout autour de soi et découvrir des vivants, des souffrants et des autres, si différents de nous.

“Visio”, Renaud Gaultier 2025.

Visio. 4 fenêtres, 4 cônes de vision différents, 4 couleurs primaires. Embrasser un plan le plus large possible, tout voir et aplatir le réel dans une même direction. Et hors-champ ? Poutre, rondins et châssis de fenêtre en chêne, acier. 220x140x250cm.

“Captatio”, Renaud Gaultier 2025

Captatio. Un attracteur étrange, presque un piège, tendu vers sa cible. Tout capter, tout le temps, d’accord mais pour en faire quoi ? Éléments de châssis de fenêtre en chêne, rondin, acier, peinture polyuréthane. 210x145x255cm.

“Veni, Vidi, Vici”, Renaud Gaultier 2025

Veni Vidi Vici ou la Vigie sauvage. Comme une réminiscence, un totem comme un tabou, la question du sauvage, en lisière de nos pensées balisées. Tout percevoir, tout le temps, ici et maintenant, partout, tout le temps. Poutre en chêne et pentures d’acier de récupération, peinture polyuréthane. 130x45x255cm

“De Profundis clamavi”, Renaud Gaultier 2025

De Profundis Clamavi. Au bout d’une ligne d’eau dormante, un cône de vision, mis à distance. Une vue étroite, une vie sous la surface des choses, un arrière-plan comme une impasse. Alors bifurquer, se jeter à l’eau ou se retourner. Ou alors crier pour dire sa détresse. Certes oui, mais vers qui ? Poutre, rondins et châssis de fenêtre en chêne, acier, peinture polyuréthane. 280x110x250cm.

Gratiae Habitio (Merci Merci), de la douleur à la guérison, comme un parcours de soin dans une chapelle votive dédie à Saint Roch et Sainte Apolline. Proposition néobaroque d’un chemin de croix et d’une évocation des thaumaturges chrétiens, dans la tradition des dons de vêtements déposés en remerciement. Ici, le plâtre blanc laisse apparaître la diversité des souffrant-e-s par les textiles en lambeaux et filtre une lumière douce qui forme constellation sous la voûte.Le souci du soin, indissociable de la violence que nous portons au monde. Vêtements au rebut, leds, plâtre, acier. 132x148x132.

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Conception : Renaud Gaultier (2024-2025)

Technique, Réalisation et Installation : Philippe Le Gouvello, Renaud Gaultier (Printemps 2025)

Remerciements : Christine et Baptiste Rhodes Gaultier, Isabelle et Cyrille Le Gouvello.

Situation : La Rousselière, route de l’Alleud, 49170 La Possonnière.

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Ti Dulci, les yeux zélés. Avec Claudie Hénique, feutrière : inspirée d’un médaillon d’Alberti, l’expression multiple d’un regard bienveillant sur le monde, Doux au toucher, mobile en suspension. Laine mérinos brodées et feutrées à la main, à l’eau et au savon, 20 cm de diamètre environ, 50 g.

Accumulati, les data par dendrochronologie. Rongé par la maladie, couché par la tempête, un bouleau est tombé de tout son long. Les arbres sont les témoins et les sentinelles de l’anthropocène. Leur écorce raconte les outrages et les blessures du temps, les marques des scies disent la main de l’homme. Sans pouvoir user d’un chamanisme disparu à force de persécutions, nos techniques permettent pourtant de lire les événements passés. Qu’en faisons-nous ? Bois de bouleau tronçonné, peinture vinylique, 20 m, 2T environ.

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“Accumulati”, Renaud Gaultier 2025

Pour aller plus loin…

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Nous pouvons prolonger la discussion sur le Blog :

https://renaudgaultier.com/blog/2025/6/1/quid-tum-commentaires-pour-prolonger

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Les Visées (ossements visibles)

Ou le squelette – de ce qui reste - du projet de l’Occident pour le monde.

Les Visées sont des dispositifs qui rappellent la mise en place par les peintres des premières pyramides visuelles. Ces installations viennent s’inscrire dans ce qu’il est convenu d’appeler un paysage, entièrement façonné par l’homme à partir d’un legs géologique ancien. L’artifice optique fait ici partie du paysage, comme l’homme et ses représentations font « culture de nature » avec les autres habitants des lieux, qu’ils soient végétaux ou animaux. Car c’est nous qui définissons, décrivons, établissons.

Les Visées évoquent aussi les dispositifs optiques utilisés par les militaires, d’où le nom, pour s’ouvrir des fenêtres de tir et ainsi conquérir des territoires quel qu’en soit le prix. On se souvient là des machineries complexes inventées pour le compte de princes belliqueux par l’autre géant de la Renaissance, Léonard.

La perspective dépend exclusivement du point de vue où l’on se place, et définit en ombre le point aveugle, ou plutôt le secteur de l’angle aveugle. C’est pourquoi les orientations diffèrent. Tantôt Nord-Sud, Est-Ouest et même Ouest-Est, car les apports réciproques lors des conquêtes ne peuvent être oubliés.

Car il s’agit là plutôt de donner à voir la perspective comme conquête par le regard, de décomposer la vue en fenêtres sur le monde, comme autant d’écrans, comme autant de projets possibles. Évocation de la multiplicité des regards filtrés par l’optique, les cônes disent aussi les couleurs que nous distinguons et nommons dès que nous devons dire ce que nous voyons.

Mais, individus saturés d’écrans digitaux, regardons-nous encore le monde et ses habitants avec l’attention qu’ils méritent ?

Petite Bibliographie

Léon Battista Alberti, « De Pictura, De la Peinture », Préface, traduction et notes par Jean-Louis Schefer, Introduction par Sylvie Deswarte Rosa, Editions Macula 1992-2014.

Daniel Arasse, « Le Sujet dans le tableau », Flammarion, 1997, 2006.

Daniel Arasse, « On n’y voit rien », Denoël, 2000.

E. Bonnet, D. Landivar, A. Monnin, “Héritage et Fermeture, une écologie du démantèlement”, Editions Divergences 2021.

Patrick Boucheron , « Léonard et Machiavel », Verdier 2008.

Dante (1265-1321), « La Divine Comédie », Garnier Flammarion 1985.

David Graeber et David Wengrow, “Au commencement était… Une petite histoire de l’humanité”, Les Liens qui Libèrent, 2021.

Jeanne Guien, « Le Désir de nouveautés. L’obsolescence au cœur du capitalisme (XVᵉ-XXIᵉ siècles)”, La Découverte 2025.

David Hockney, « Savoirs Secrets, les techniques perdues des maîtres anciens », Thames & Hudson 2022

Bruno Latour, “Où atterrir, comment s’orienter en politique”, La Découverte 2017.

Machiavel (1469-1527), « Le Prince et autres textes », Gallimard, 1980.

Erwin Panofsky, « La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art d’Occident », Flammarion, 1976.

 
 

©Renaud Gaultier Période 1992-2025